mercredi 16 novembre 2016

disparitions des chemins ruraux, tous concernés

situation typique à Coulombs en Valois

Nombre de fois je me suis retrouvée à cheval, à vélo ou à pieds devant des chemins ruraux fermés ou même totalement cultivés. Situation agaçante au possible ! Préparant beaucoup mes itinéraires à partir de cartes IGN, j'ai longtemps mit ce manque de concordance du terrain sur le dos de documents obsolètes. La réalité est bien plus révoltante, les chemins ruraux sont tout simplement volés à grande échelle en France !

Entre 1945 et 2000, c’est approximativement 200 000 km de "chemins ruraux" qui ont disparu, soit 20% du total existant à la fin de la guerre. Ce précieux réseau qui permet de relier autant pour les humains que pour les plantes et les animaux des localités et des hameaux entre eux est aussi un bien commun historique et qui retrace l'histoire des paysages français.

Qu'est-ce qu'un chemin rural ?

Depuis 1959, « les chemins ruraux » appartiennent au domaine privé des communes et sont affectés à la circulation publique. Ce qui veut dire qu'ils appartiennent aux citoyens des communes. Tout chemin affecté au public est présumé jusqu’à preuve du contraire appartenir à la commune. Leur statut est décrit dans l’article L 161-1 du code rural et de la pêche maritime : « Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. »

Cependant, tous les chemins ne sont pas des chemins ruraux ! Il existe aussi des chemins ruraux privés, des chemins d'exploitation agricoles ou forestières, des servitudes de passage, et plus rarement des chemin de halage (le long de cours d'eau), ou des chemins du littoral.
Sur le cadastre, les chemins ruraux se distinguent pour être dépourvus de numéros, ils sont dans la continuité de l'espace public (route, places, etc...). Ils ne sont pas enregistrés dans la voirie communale, mais figurent dans les divers inventaires établis par les communes depuis 1838 (accessibles dans les archives communales ou départementales). Le cadastre de toute la France est disponible sur le site cadastre.gouv et sur le site géoportail (avec des photographies aériennes et des cartes IGN) .

exemple de superposition de cadastre/photo aérienne (source géoportail)
On voit bien la différence ici entre :
- l'espace public (en rouge) sans limites avec un chemin rural et une légende "chemin rural de....",
- un chemin privé à droite qui a sa propre parcelle numérotée,
- un chemin d'exploitation agricole en orange qui n'a aucune réalité cadastrale,
Emprunter les deux dernier, revient à violer une propriété privée.

Pourquoi et comment sont-ils volés ?

Légalement, il existe deux possibilités pour faire disparaître un chemin rural :

- Lorsque le chemin est désaffecté, le conseil municipal doit voter son aliénation (dépossession), suivie d’un arrêté du maire pour une enquête publique qui doit respecter quelques règles précises. En effet, un chemin rural est un bien commun appartenant à tous les citoyens, sont déclassement et sa vente sont donc fortement encadrés. Un chemin rural qui a cessé d'être fréquenté, est toujours présumé appartenir à la commune, tant que l'aliénation n'en a pas été réalisée dans les formes légales (Cass. 1re civ. 12 oct. 1964 : JCP1964GII, 13961, note Bulté).

- La Prescription acquisitive, le domaine privé d’une commune peut faire l'objet d'une usucapion, ou prescription acquisitive, de la part de particuliers qui, au terme d'un délai de trente ans de possession d'un chemin rural, pourront légitimement se l'approprier (sous réserve de l’avis d’un juge qui appréciera si l’occupation a été continue et sans violence). 

Cependant, force est de constater que de nombreux “chemins ruraux” sont aliénés, entravés ou occupés illégalement aujourd'hui et n'entrent pas encore dans ces deux catégories. C'est là que nous pouvons tous intervenir pour briser une prescription ou une aliénation en cours. Ils disparaissent parfois par manque d'entretien (dépenses non obligatoires de la commune) mais l’absence d’entretien ne donne pas aux usagers et aux riverains le droit de s’accaparer ce bien communal. A juste titre, en appliquant ses pouvoirs de Police, le Maire doit agir pour l’intérêt général qui prime sur les agissements de certains riverains malveillants.

En réalité, trop de Maires sont frileux à l’idée de récupérer les parties de chemins ruraux que certains riverains se sont appropriées (parfois se sont même des élus voir le Maire lui-même). Pourtant l’intérêt à agir par le biais des pouvoirs de Police du Maire est une obligation ‘ articles D161-11 et D161-14 du code rural et une évidence pour conserver le bien commun.

Comment agir ?*


1 - En premier lieu : adresser un courrier à l’auteur des barrages. Si l'entrave persiste à l’issue d’un délai d’un mois, il est possible de demander audience à un conciliateur en s’adressant à la mairie (gratuitement). Se munir de la lettre envoyée, du plan cadastral certifié par le service du cadastre, et demander au maire d’utiliser ses pouvoirs de police que lui donnent les article L 161-5 du code rural pour agir en application des articles D 161-11 et D 161.14 du même Code rural et de la pêche maritime.

2 – Solliciter un rendez-vous avec le maire et en cas de refus d’agir de ce dernier, envoyer d’une lettre recommandée AR lui demandant à nouveau d’user de ses pouvoirs de police pour faire respecter les articles précédemment cités. Lister sur la même lettre tous les chemins ruraux entravés de la commune qui vous intéresse afin de ne faire qu’une seule démarche. Vous signalez ainsi l’utilité publique et les entraves à la libre circulation. Dès lors, en droit, la situation est tout autre. Attention, votre lettre recommandée doit préciser les entraves et demander le rétablissement de la libre circulation. Ne dites pas "ce chemin rural nous serait utile». Assurez-vous que le chemin est bien un chemin rural, qu’il n’a pas été classé en voirie communale, qu’il n’a pas été vendu ou prescrit (voir le cadastre) et qu’il ne fait pas l’objet d’un arrêté municipal motivé.

Le maire, ayant été informé, a des devoirs et des obligations. En cas d’inaction et de silence de sa part après un délai de 2 mois, face à cette décision implicite de refus d’agir, vous pourrez demander au tribunal administratif d’annuler cette décision implicite et de rétablir la libre circulation du public.

3 - Il est également possible de déposer une plainte (contre X) en gendarmerie ou auprès du procureur de la république, en signalant les entraves à la libre circulation. Elle évite l’action vers le maire et concerne l’auteur des barrages. Se procurer auprès du cadastre une copie du plan cadastral mentionnant bien le ou les chemins ruraux concernés.


Il faut agir rapidement sans laisser la prescription acquisitive trentenaire
* recommandations de l’association "Vie et paysages" 

Pour aller plus loin sur le sujet :
http://www.sciencesetavenir.fr/
http://www.actu-environnement.com/
http://www.vie-et-paysages.org/
https://www.senat.fr/
http://www.localtis.fr/

4 commentaires:

  1. Je confirme que c'est très frustrant, j'ai perdu de nombreux itinéraires de balade comme ça .. On se retrouve face à une barrière ou des champs cultivés .. :(

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    1. Justement Laura, ça vaut vraiment le coup d'aller jeter un coup d’œil sur geoportail pour vérifier que ce ne sont pas des chemins ruraux volés ! Et de faire un petit courrier à la Mairie si c'est le cas :)

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